La smart city… et nous ?
juin 26, 2017 par Zélia DARNAULT
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La chaire Banque Populaire Atlantique – LIPPI était invitée par le CNAM à participer à la table ronde sur les SMART CITIES à la Roche sur Yon. La diversité du panel a permis une belle richesse des échanges, et de voir en particulier le dynamisme de la ville de la Roche sur Yon, très engagée dans les démarches citoyennes et l’expérimentation. Ces tables rondes étaient animées par Jean-Philippe Fouquet, docteur en sociologie et ingénieur de recherche à l’Université François Rabelais (Tours), et par Maxime Schirrer, maître de conférences au CNAM.
De quoi la smart city est-elle le nom ?
Il y a plusieurs modèles de SMART CITY, mais l’on peut s’accorder sur une définition général de mise en réseau de systèmes qui ne communiquent pas entre eux (DATA, opérateurs, services). L’intelligence vient de la bonne mise en réseau de ces systèmes, de la possibilité de les faire communiquer entre eux pour des solutions et services centrés sur l’usage.
Finalement, ce que l’on a pu constater, c’est que la technologie accélère une évolution qui était déjà en cours et qu’il ne s’agit pas d’une rupture même si cette accélération des technologies est particulièrement rapide voire brutale.
La possibilité de disposer d’un « hyperviseur urbain » orchestrant plusieurs systèmes est possible: des opérateurs privés proposent des solutions clés en mains aux collectivités, même si des questions se posent encore sur la fiabilité de ce système ou encore la transparence de l’algorithme. On ne doit cependant pas oublier de penser le sens des choses : ces services sont-ils réellement nécessaires ? A cet égard, il convient de croiser avec les usage(r)s et de diagnostiquer les réels besoins. Il convient aussi d’avoir une réflexion sur la mise à disposition de données de la ville.
La fabrique de la ville n’est plus le seul ressort des experts, et de nouvelles sociétés pourvoyeuses de services commencent à apparaître sur la scène des faiseurs de villes. Il ne s’agit plus d’être simplement intégrateur d’équipement, mais de relier les équipements, les connecter pour faire appraraître de nouveaux services.
Justement, quelle est la place du design ?
Face à ces opportunités offertes par la mise en réseau des systèmes, il convient d’essayer de décloisonner ce qui était cloisonné, de travailler ensemble. A cet égard, les approches et méthodes dites de « design thinking » permettent de créer un langage commun entre les différents protagonistes, de les réunir autour de la table, de créer des scénarios, d’avoir une méthodologie allant de l’observation à la mise en usage. Cela doit bousculer les organisations et les silos. Ça, c’est sur la dimension de la stratégie et de l’organisation.
Pour ce qui concerne le design d’espace ou d’objets, de grosses questions se posent sur la conception de dispositifs de captation ou d’objets connectés (que remonter comme informations, que concevoir ?), ou sur les espaces en eux-mêmes qui doivent être capables de s’adapter à de nouveaux services. Autant qu’un objet, un espace, il faut penser services associés et usages.
Ces débats ont conforté la nécessité d’une réflexion sur TransPoz ou sur des dispositifs de médiation, ou encore sur la flexibilité des espaces (voir les expérimentations sur la Centrale). Ils ont aussi conforté la nécessité d’avoir une approche basée sur l’expérimentation ouverte.
On parle beaucoup de city lab, de ville lab, de quoi s’agit-il exactement ?
Ces nouveaux potentiels de services viennent bousculer les ordres établis, et notamment posent de grandes interrogations sur le domaine juridique. En effet, parler d’un parking partagé à plusieurs utilisateurs impose de changer les baux de location, voire même, comme le soulignait Clotilde Cazamajour de Urbanlaw, changer la destination (passage de local d’habitation à ERP) pour des raisons de sécurité. Cela changerait tout. C’est pourquoi, plutôt que de générer des blocages, il est intéressant de lancer des expérimentations pour voir l’usage avant de le généraliser à toute la ville, voire de changer les lois ou certaines normes. On en revient à la fameuse question des usages et de l’expérimentation en mode réel, de la nécessité d’observer, de faire des retours d’expérience, c’est à dire à la notion d’urban living lab. On ne parle pas assez de la nécessité d’allier des juristes dans ces expérimentations.
Enfin, un autre point important souligné par la ville de la Roche sur Yon, la question de la Smart city est aujourd’hui un élément abstrait. L’expérimentation en mode réel est le meilleur moyen de rendre concrètes les choses. La collectivité doit ainsi profiter de ces supports pour intégrer les citoyens à la démarche.
On parle beaucoup de ville des services, centrée sur l’usager, avec d’autres affirmations aujourd’hui qui font bon genre, avec lesquels on s’achète une bonne conscience. Mais une situation de ville saturée par des services en tous genres est-elle souhaitable ? Il ne faut pas oublier de poser la question du sens qui réinterroge et cadre l’usage de ces technologies et redéfinit le positionnement du politique.
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