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L’École de design Nantes Atlantique 30 ans d’histoire (1)

L’École de design Nantes Atlantique a été créée en 1988 sous la dénomination l’École de design des Pays de la Loire. Les différentes étapes de son histoire sont en résonance avec l’évolution du design en France et de son enseignement dans ces dernières décennies. C’est l’angle sous lequel j’ai choisi de la mettre en perspective.

Le texte qui suit en retrace une première étape qui va d’un atelier d’arts situé au 3 rue Lamoricière, à l’école de design du site de la Chantrerie. Il ouvre un premier chapitre (1988-1998) auquel se rajoute en fin d’article un encart consacré aux équipes pédagogiques, sûrement à compléter[1].

Au fil des années nous avons exploré de nouvelles formes d’enseignement, de nouveaux horizons du design, engagés sur le terrain professionnel, les évolutions sociétales impliquées par les mutations technologiques, économiques et environnementales, l’international et aussi plus récemment sur la recherche. D’autres témoignages sous forme d’entretiens apporteront des nuances, voire des interprétations divergentes. La mémoire est toujours à ajuster.

1 – D’un atelier d’artiste à une école de design industriel (1988-1998)

1.1 L’Atelier du Marais : valoriser la culture et les enseignements artistiques traditionnels

L’École de design Nantes Atlantique a ses racines dans un projet d’atelier d’artistes (Association Loi de 1901) créé par Marianne Guyot de Nouël[2], peintre et sculpteur, rue du Marais à Nantes. Prix de Rome de sculpture, Marianne Guyot de Nouël était animée par un attachement à l’apprentissage des techniques classiques de l’art à une époque où les approches conceptuelles et les engagements politiques avaient bouleversé les enseignements des écoles des Beaux-Arts.

Aux cours traditionnels de sculpture, modèle vivant, aquarelle, pastel… pour amateurs, avait  été rajoutée une classe préparatoire aux concours des arts décoratifs[3]. Mais les moyens financiers étaient très limités et le soutien des collectivités territoriales s’est avéré vite nécessaire pour assurer le développement des enseignements. Olivier Guichard,  alors président du Conseil Régional des Pays de la Loire avait été invité à visiter les vétustes locaux de la rue du Marais et à prendre connaissance du projet. L’aide de la Région a contribué au déménagement 3 rue Lamoricière au milieu des années 80 et conforté l’ambition d’aller au-delà d’un atelier pour artistes amateurs avec la création d’une école d’arts décoratifs et appliqués.

L’Atelier du Marais devenait l’École d’arts plastiques de Pays de la Loire[4]. Les lieux étaient aussi vétustes mais plus grands avec de beaux espaces autour d’une cour centrale. Ils conservaient le charme du vieil atelier d’arts.

1.2 Des arts décoratifs au design : une cohabitation encore incertaine

 Une ébauche de programme

L’idée de créer une école de design a commencé à germer en 1987. Celle-ci s’est concrétisée avec l’arrivée de Paul Schmitt, en tant que président de l’Association de l’école. Ancien PDG des établissements Le Creuset, Paul Schmitt était un grand défenseur du design industriel. Il venait d’être mandaté par le Ministère de l’industrie pour élaborer un projet de promotion décentralisée du design auprès des acteurs politiques et économiques, à l’origine des Centres de design en région. L’école avait aussi bénéficié de différentes subventions, en particulier du Ministère de l’Industrie. Après la visite d’Olivier Guichard, il y avait eu celle d’Alain Madelin, alors ministre de l’industrie. De nouveau, mobilisation générale pour défendre le sérieux du projet !

En Septembre 1988, l’École d’arts plastiques des Pays de la Loire devenait l’École de design des Pays de la Loire, avec une ébauche de programme sur lequel les équipes d’enseignants avaient planché les mois précédents, une nouvelle promotion d’une quinzaine d’étudiants et une deuxième année de 10 étudiants. Ceux-ci avaient commencé le programme assez hétéroclite des nouvelles orientations arts appliqués et entraient en seconde année design.

Première promotion diplômée de l'École de design des Pays de la Loire, 20 juin 1989
Remise de diplômes par Olivier Guichard, Président du Conseil Régional. Première promotion diplômée de l’École de design des Pays de la Loire, 20 juin 1989

L’ancrage culturel des premières équipes  conduisait plutôt à une expérimentation Arts and Crafts autour de la beauté utile, en visant  aussi bien le stylisme, que la mode, l’architecture d’intérieur, le dessin assisté par ordinateur…  comme en témoigne un petit film qui avait été réalisé en 1987, conservé dans les archives de l’école.  Quand il s’est agi de parler design, l’objet industriel a été introduit, avec déjà l’ambition de mettre en œuvre des partenariats. Un des premiers projets était une cuvette de WC pour l’entreprise Wirquin de Carquefou, sans doute un des premiers partenaires industriels de l’école.

Sculpteurs, peintres et graveurs sont partis petit à petit, remplacés par des designers en produit, graphisme et espace [5]. Les enseignements d’art étaient aussi assurés, avec une période de tâtonnements sur les orientations à prendre. Quels cours fallait-il conserver ? Que devenait l’enseignement du dessin ? L’enseignement du rough ne risquait-il pas d’entraîner vers un formatage, au détriment d’un dessin créatif et intégré au processus de recherche ? Quels nouveaux enseignements fallait-il introduire ?

Les années 1988-91 avaient été pleines d’effervescence mais aussi d’inquiétude. Les contradictions et flottements pédagogiques étaient symptomatiques de la difficulté à passer d’un ancrage artistique aux réalités économiques et professionnelles du design industriel.

1.4 La conviction d’un président et le soutien de la Chambre de Commerce et d’industrie

A la fin de l’année scolaire 1990, la situation était particulièrement précaire… Un nouveau projet d’établissement élaboré avec quelques enseignants avait été proposé au récent Centre régional de design à la Chantrerie sur les bords de l’Erdre. Tout cela restait assez utopique et sans grand résultat.

Ouest-France, septembre 1990

Mais Paul Schmitt s’était battu pour que la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nantes s’intéresse au projet et le soutienne. Le conseil général, La Région, La direction Régionale de l’Industrie et de la Recherche étaient aussi sollicités, sur la base de l’audit qu’il avait effectué sur le design en région.

Dans notre lettre d’information[6]pour les 20 ans de l’école, Paul Schmitt écrivait :

(…) en transformant une école de Beaux-Arts aussi sympathique que traditionnelle en école de design, je répondais peut-être aux tendances cachées des élèves mais surtout à ma réussite industrielle grâce au design balbutiant de l’époque 1970-80. Bien sûr je me heurtais à la totale incompréhension des corps constitués du lieu, à l’exception de la Chambre de Commerce de Nantes.

Ce démarrage un peu compliqué allait malgré tout faire passer d’une culture attachée à la branche artistique du design, toujours    dominante en France, au design industriel.

1.5 Les Portes Ouvertes du printemps 1992 au 3 rue Lamoricière

L’Exposition a duré tout le temps des vacances scolaires d’avril et a reçu la visite d’une délégation de la Chambre de commerce[7]. Au sein des équipes, il y avait la conviction que cet événement serait déterminant quant à la survie du projet. Mission réussie, notre nouvelle directrice mandatée par Paul Schmitt, Agnès Levitte, nous annonçait en juillet 1992 le soutien officiel de la Chambre et notre déménagement rue du Champ de Manœuvre à Carquefou dans des locaux de l’ICAM (Institut Catholique des Arts et Métiers).

Que s’était-il passé depuis la rentrée 91 ?

Agnès Lévitte venait de Paris, avec un réseau dans le monde du design autour du Musée de arts décoratifs, du Centre Beaubourg et de la nouvelle grande école de design créée au début des années 1980, l’ENSCI Les Ateliers (École Nationale Supérieure de Création Industrielle). Elle enseignait également l’histoire du design, avait contribué à diverses expositions, catalogues sur le design et avait produit des études de cas sur des produits industriels conçus par des designers, réalisées pour le centre de documentation de l’ENSCI. Elle n’était pas à plein temps la première année et un relais de responsable pédagogique s’avérait indispensable. Une jeune diplômée de l’ENSCI, Valérie Gourdel, avait commencé cette mission avant de démissionner en février 1992 pour d’autres horizons professionnels. J’ai repris ce poste, tout en continuant l’enseignement, avec une première mission d’accompagnement des étudiants en fin d’études au BTS d’Esthétique industrielle (qui deviendra à partir 1996 BTS design de produits) .

La décision était risquée puisque les étudiants ont dû, en l’espace d’une petite année, suivre tous les enseignements plutôt consistants d’un BTS qui suppose normalement deux années d’études ! Il fallait remettre des bulletins, les fameuses fiches cartonnées consignant notes, appréciations, graphiques sur les moyennes par rapport à la classe… Les cours de connaissance de l’entreprise, de droit, de gestion, marketing, propriété intellectuelle, technologie, maths, physique… tous inconnus de l’Atelier du marais et aussi des premières années de l’école de design, ont été mis en place à une vitesse record, grâce à des enseignants et professionnels extrêmement indulgents, qui ont sans doute éprouvé une certaine sympathie pour le projet. Il faut reconnaître que tout cela était difficilement assimilable en si peu de temps… et sur les 9 étudiants envoyés au centre d’examen de Brest, il y eut seulement un tiers de réussite[8].

Mais le programme du BTS a été structurant, à la fois parce qu’il apportait un cadre d’enseignement mais aussi parce qu’il permettait de préciser les ambitions que ce cadre ne permettait pas. Les grands objectifs étaient en effet, sur la base d’un enseignement en 4 ans, de décloisonner les disciplines autour du projet, rééquilibrer les enseignements très lourds sur les aspects techniques et pas assez développés en sciences humaines, susciter chez les étudiants une posture de questionnement critique permettant la remise en cause d’un cahier des charges. Les années qui ont suivi ont été marquées par ce subtil et difficile équilibre.

1ers prix obtenus par les étudiants : Bertrand Letourneur, 3ème prix Handitec et Perrine Henry, Janus de l'étudiant
1ers prix obtenus par les étudiants : Bertrand Letourneur, 3ème prix Handitec et Perrine Henry, Janus de l’étudiant 1994

 

 

1.6 Une petite école avec de grandes ambitions

BTS mais pas que…

Les années ICAM ont été marquées par ce défi de mener de front l’enseignement au BTS et une formation en 4 ans, avec des enseignements et approches complémentaires dès la première année. On en demandait beaucoup aux étudiants et c’était une belle gymnastique aussi au niveau de l’encadrement.

Dès la rue Lamoricière, les enseignements avaient été répartis en unités de valeur, à l’instar de l’enseignement universitaire et de ce qui avait été mis en place à l’ENSCI, avec une certaine liberté pour l’étudiant de les gérer dans le cadre des 4 années d’études. L’approche du design étant celle du design global, étaient introduits des enseignements de design graphique et de design d’espace. Des séminaires d’une semaine rythmaient l’année scolaire et permettaient de découvrir différentes méthodes de projet, d’introduire des formations en sciences humaines, psychologie cognitive, histoire des techniques… mais aussi d’organiser une préparation au projet d’esthétique industrielle du BTS avec des enseignants de l’ENSAAMA (École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et Métiers d’Art)[9].

1.7 Pédagogie par le projet et premiers partenariats industriels

Le grand défi pédagogique était de développer une pédagogie par le projet ancré dans des partenariats industriels. Il était important également que les étudiants connaissent le milieu industriel in situ. Dès la fin de la première année, ils étaient envoyés en stage d’ouvrier, avant de faire un stage de design en entreprise en troisième année. L’année 1993, un jeune diplômé de l’ENSAAMA, Stéphane Gouret, est arrivé pour structurer les enseignements professionnels avec nos designers qui intervenaient depuis les premières années. La pédagogie par le projet étaient abordée dans une dimension pluridisciplinaire exploratoire, en associant au projet des experts d’autres disciplines. La question pour chaque projet était de déterminer quelles expertises étaient nécessaires et à quel moment les interventions seraient les plus pertinentes. Cela donnait lieu à de nombreuses controverses avec les designers sur leur relation dans le projet avec les approches en ergonomie, analyse de la valeur, sciences de l’ingénieur et sciences humaines. Jusqu’où aller et à quel moment du projet fallait-il introduire leurs apports ? L’organisation séquentielle du projet tentait d’harmoniser les apports théoriques et pratiques, les objectifs pédagogiques et les finalités du projet. Ces bases d’enseignement sont restées fondamentales dans la pédagogie de l’école, avec des évolutions vers des ambitions interdisciplinaires qui seront évoquées plus tard.

En 1994 un responsable chargé des partenariats rejoignait l’équipe, Jean-Luc Barassard, diplômé de l’université de technologie de Compiègne.

Les designers professionnels enseignants à l’école ont quelquefois été très critiques vis-à-vis de l’introduction de partenariats industriels qu’ils considéraient comme une concurrence déloyale. Cela a conduit à la mise en œuvre d’un modèle de contrat assurant des règles de déontologie. Les projets devaient cadrer avant tout avec les objectifs d’enseignement et tout éventuel développement par une entreprise était renvoyé à des professionnels du design. Mais du côté des étudiants, il y avait régulièrement des frustrations, n’allait-on pas « vendre » leur création à leurs dépens ? Les questions autour des notions d’auteur et de travail collectif, d’objectifs d’apprentissage et d’objectifs de production, ont suscité nombre de débats et restent en partie d’actualité. Il a fallu manier à la fois les aspects juridiques, réglementaires et la possibilité de réponses adaptées selon les contextes et acteurs impliqués.

1.8 Trouver une place dans le champ de l’Enseignement supérieur

Agnès Levitte avait initié  un partenariat avec l’École Supérieure de Commerce (devenue Audencia), dans le cadre  d’un mastère de Design Management[10].

Le partenariat prévoyait aussi des échanges d’enseignement hors mastère, qui ont perduré pendant une bonne quinzaine d’années. L’école de design proposait des ateliers d’enseignement du design et les enseignants de l’École de commerce, intervenaient à l’école de design sur les modules de gestion, de droit et de connaissance de l’entreprise[11].

Des accords avaient également été engagés avec l’École des Mines, Polytech et l’École Centrale pour « exporter » des modules d’initiation au design. Cela faisait partie des missions importantes pour faire reconnaître le rôle du design, mais aussi donner une place à l’école dans le champ de l’enseignement supérieur[12].

1.9 S’ouvrir à l’international

Agnès Lévitte participait régulièrement à des conférences internationales et a commencé assez rapidement à chercher des partenaires pour mettre en place des échanges pédagogiques. Une première étudiante était envoyée à La Faculté de l’Aménagement à l’Université de Montréal en 1994[13].

D’autres destinations comme la Kunst Hochschule Berlin Weissensee, des contacts en Grande-Bretagne, en Slovénie, commençaient à prendre forme. Mais le séjour d’études à l’étranger n’était pas obligatoire et il n’était pas encore question d’Erasmus… pour l’école de design.

1.10 Une nouvelle école à la Chantrerie

La Chambre de commerce a été maître d’œuvre en 1996-1997, de la construction d’un bâtiment dédié, l’actuelle école de design de la Chantrerie qui a connu depuis un agrandissement multipliant la surface par deux (2005). La conception de la pédagogie avait amené une organisation de certaines parties des locaux de l’ICAM en « studios » de design individuels pour les étudiants. Cela a conduit à ces grands ateliers du bâtiment de la Chantrerie, où chaque étudiant pouvait aménager son espace. Les étudiants avaient réfléchi à des systèmes de cloisons et d’espaces de rangement. Entre ces grands espaces privatifs, se trouvaient de plus petits espaces fermés pour les lancements de projet, les soutenances et réunions en petits groupes, les affichages, l’exposition de maquettes. L’organisation des espaces autour d’un patio central, un hall d’entrée spacieux, une forme d’élégance tout en sobriété, offrait un cadre propice à de nouveaux développements.

1.11 L’École avait dix ans

Le diplôme obtenu au bout des quatre années d’études venait d’être homologué en niveau 2 par le Ministère de l’Industrie (1997). Les soutenances du projet de fin d’études mené sur le deuxième semestre de l’année 4 avaient lieu début juillet. Les jurys étaient organisés avec des designers professionnels qui évaluaient le projet personnel de l’étudiant et un mémoire dans lequel il  devait faire preuve de sa capacité à mener des recherches pour faire émerger une problématique de design. Un passage à cinq années d’études avait aussi été projeté, qui s’est concrétisé dans les deux années suivantes.

L’équipe de l’école était composée de  six permanents,pour une petite centaine d’étudiants. Un chemin énorme avait été parcouru en 10 ans, avec beaucoup d’engagement mais aussi d’incertitudes et de tensions. Stéphane Gouret a pris la décision de s’orienter vers d’autres chemins professionnels et a été remplacé à la fin de l’année scolaire 1996 par Jean-Patrick Péché, designer et directeur de l’agence Dia Design qu’il avait fondé dans les années 1980. La direction des projets de design était donc assurée, mais sur un temps très partiel ce qui supposait un travail de coordination et de passage de relais qui demandaient une certaine agilité…

Puis il y a eu le départ d’Agnès Levitte en décembre 1997 et l’arrivée d’un nouveau directeur, Christian Guellerin, nommé par le directeur général de la Chambre de commerce, Michel Corset. Le bâtiment de la Chantrerie était à peine terminé et l’installation étaient prévue en janvier mais tout s’est précipité une semaine avant Noël. Aussitôt arrivé, Christian Guellerin a fait vider les bureaux et en deux jours l’équipe était installée sur le nouveau site…

L’École de design des Pays de la Loire devenait L’École de design Nantes Atlantique, avec une nouvelle charte graphique et un logo inspiré de la couleur et de la forme du nouveau bâtiment. Une première lettre d’information était lancée[14],Do you speak good designet la gestion financière pilotée depuis la Chambre de commerce, s’installait dans les murs très rapidement dans les années qui ont suivi, avec l’arrivée de Joël Bénéteau et de son équipe.

Les diplômés de 1998
Les diplômés de 1998
Projets de Thomas Nicot et Hervé Grollier Article du 4 juillet 1998
Projets de Thomas Nicot et Hervé Grollier
Article Ouest-France du 4 juillet 1998

 

Décembre 1999 De gauche à droite : Emmanuelle Bouron, Jocelyne Le Boeuf, Jean-Luc Barassard, Christian Guellerin, Jean-Patrick Péché Yvette demoulin, Agnès Le Provost, Roselyne Quesne, Christian Mouraud et un peu en retrait Dominique Vital avec son fils
Décembre 1999
De gauche à droite : Emmanuelle Bouron, Jocelyne Le Boeuf, Jean-Luc Barassard, Christian Guellerin, Jean-Patrick Péché Yvette demoulin, Agnès Le Provost, Roselyne Quesne, Christian Mouraud et un peu en retrait Dominique Vital avec son fils

 

1.12 Ce que l’école raconte du design en France

L’exposition « Design en Pays de la Loire, des ailes pour l’industrie », organisée à la Cité des Congrès de Nantes en 1994 en partenariat avec l’école[15]témoigne d’une époque où, défendre le design, c’était défendre un métier axé sur le produit industriel. Les relations formes, fonctions et esthétique bien menées devaient aboutir à des produits de qualité pour les usagers et favoriser le développement et la bonne santé économique des entreprises. Les autres métiers du design comme le graphisme, le design d’espace ou ce qui était encore plutôt qualifié de design d’environnement, la communication visuelle, etc.  étaient intégrés par les designers industriels dans ce qu’on appelait  à l’époque le design global.

Un métier à défendre

Dans son ouvrage Guide du design industriel(2017), Michel Millot s’agace du « mauvais emploi » du mot design[16], toujours associé à un style « pseudo-moderniste » dans les médias. L’histoire française du design industriel est jalonnée de ces malentendus, particulièrement vigoureux dans les années 80. Dans le numéro spécial d’ art press consacré au design (1987)[17], Raymond Guidot rendait compte d’un foisonnement des « ismes » dans une création donnant lieu à une « prolifération d’objets incongrus, manifestement en réaction contre l’esprit rationaliste, voire fonctionnaliste des années antérieures »[18]. Il rappelle les croisements depuis le début du XXe siècle entre les recherches avant-gardistes des arts dits majeurs et les arts appliqués, en précisant que « dans ces correspondances, se trouvaient unies des recherches qui, en leur différents domaines se poursuivaient simultanément ».

Les années 80 ont été marquées par « l’exploitation systématique d’un héritage aux facettes multiples ». Un anti-fonctionnalisme qualifié d' »épidermique » par l’auteur s’inscrivait dans la continuité de la critique de la société de consommation des années 60, où le design fonctionnaliste était « accusé de s’être fait complice du mercantilisme »[19]. Ces nouvelles tendances du design ou cet anti-design, Roger Tallon dans ce même  numéro, l’inscrit dans un post-modernisme qui ne serait que « du conservatisme ». Sa position reflète celle de nombre de designers industriels de l’époque qui considéraient que les succès médiatiques nuisaient à la compréhension de leur métier. La notoriété d’un Philippe Starck[20]était perçue comme ambivalente. D’un côté il faisait parler du design français à l’international, mais de l’autre sa success story contribuait à masquer les réalités professionnelles du design industriel. L’heure était aux bilans avec par exemple l’exposition Design français, 1960-1990 Trois décennies(APCI/Centre Georges Pompidou 1988) ou encore l’exposition Design Miroir du siècleen 1993[21], qui dressait un panorama de la culture matérielle issue de l’industrialisation dans ses dimensions politiques, sociales, technologiques et culturelles. Roger Tallon, le grand designer industriel français, qui avait commencé sa carrière à Technès avec Jacques Viénot dans les années cinquante, est exposé au Centre Pompidou (octobre 1993- février 1994)[22].

Les effets médiatiques autour du design en ces années 80 suscitaient des débats où la question était toujours de savoir si ils permettaient ou non de bien comprendre ce qu’est le design, entre arts appliqués et design industriel. Un numéro du magazine Réalités industrielles de janvier 1993 dressait un bilan où le design était clairement présenté selon son rôle dans l’économie et la production industrielle. Dans ce numéro, encore une fois, Tallon se désolait du retard français :

Il est difficile de parler du design en France, car c’est un problème qui n’y est pas correctement traité, du moins pas au bon niveau. Aux-États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, au Japon, par exemple, il fait l’objet de publicité, et il est considéré par et dans les états-majors. A l’Université de Tokyo, le design est intégré dans les fonctions fondamentales de la gestion. En France, ces problèmes sont rarement traités au niveau du management[23].

Dans le numéro d’Art press déjà cité, Françoise Jollant soulignait cependant un effet porteur de la médiatisation pour le développement des formations au design, encore  à 90 % concentrées à Paris[24].

Design en Pays de la Loire

Mais signe des temps, des formations émergeaient aussi dans les régions et c’est donc dans ce contexte porteur que fut créée l’école. Un certain nombre des designers exposés étaient également enseignants et participaient à son développement. La commissaire d’exposition, Fabienne Millet-Dehillerin, est aussi l’auteure d’un article paru dans la revue 303, à l’initiative du projet avec le Conseil Régional des Pays de la Loire.

Dans cet article, il est mentionné une trentaine de designers pour cette région, avec une antenne régionale de l’UFDI (Union française des designers industriels) qui a fusionné en 2004 avec l’Alliance française des designers (AFD). Le président en était Philippe Martin d’Exa Design et l’antenne regroupait une douzaine d’adhérents. Des programmes de promotion du design auprès des acteurs politiques et économiques avaient aussi amené la création de centres de promotion du design,  tel  le Centre Régional de Promotion du Design Industriel (IDEO) en Pays de la Loire ou encore le Centre du design Rhône-Alpes (CDRA) créé en 1991 qui a joué un rôle essentiel pour défendre le Design Management[25].

Le catalogue de l’exposition mentionne trois acteurs pour l’enseignement du design industriel, L’École de Design des Pays de la Loire (Carquefou), le Lycée Jean Monnet (Les Herbiers) et l’École Pivaut (Nantes). Hormis Alcatel Radiotéléphones, les entreprises qui exposaient étaient régionales, Altor (Clisson) pour la conception de salles de bain, ESSWEIN (La Roche-sur-Yon) pour l’électroménager, Manitou (Ancenis) pour la construction de chariots élévateurs, Microcar (Les Herbiers) pour la fabrication de véhicules sans permis, Quetin (Saint-Nazaire) pour le matériel dentaire, Rossignol (Montsûrs) pour les objets de propreté (salle de bain et propreté publique), Salmson (Laval) pour la fabrication de pompes et circulateurs, S.B.C. (Saint-Herblain) pour la fabrication de bennes pour l’industrie, le bâtiment et les travaux publics, Atelier SEDAP (Nantes) pour la création et fabrication de luminaires et produits décoratifs en plâtre, la Semitan (Nantes) pour l’exploitation du réseau urbain, SOCA (Carquefou) pour la création de mobilier contemporain et équipements collectifs, Venturi (Couëron) pour la construction de voitures de sport de prestige, Waterman (Saint-Herblain) pour la création et fabrication de stylos[26].

Les mots clefs d’un design associé à l’innovation sont alors fonctionnalité, esthétique, confort, maîtrise des coûts, maîtrise des techniques, cohérence de l’intégration des fonctions dans un ensemble harmonieux, intervention en amont dès la conception du produit.  On y trouve les références aux fondamentaux du design, tels qu’ils avaient été établis dans les années de l’après Seconde Guerre mondiale par les pionniers de l’Esthétique industrielle et développés par Danielle Quarante dans ses Éléments de design industriel,ouvrage publié en 1984.

Le métier a cependant beau être circonscrit, il est toujours considéré comme mal compris en France à cette époque. L’auteure de l’article termine en disant que la France « entre sur la pointe des pieds dans cette ère du design management » :

En retard sur d’autres pays pour concevoir le design comme outil stratégique, elle découvre sur le tard qu’il faut traiter le design en amont et ne plus se contenter de petites touches. Il faudra sans doute encore un peu de temps pour qu’elle acquière le réflexe design. Encore un peu de temps aussi et des hommes de bonne volonté pour que l’on sorte complètement le designer industriel du ghetto artistique

Cohabitation en design

L’exposition Design en Pays de la Loire, des ailes pour l’industrie, s’inscrivait  dans un contexte professionnel où il fallait expliquer et défendre un métier qui, malgré une ancienneté de plusieurs décennies, entretenait toujours une certaine confusion avec les Beaux-Arts[27]. J’ai eu l’opportunité de participer en 2002 à un ouvrage collectif, 1950-2000 Arts contemporains, où l’une des questions posées pour les différents auteurs, traitant de 9 disciplines de création différentes, était « Art majeur ou mineur ? »[28]. J’écrivais alors :

Y aurait-il un art majeur du design, représenté par quelques créateurs inspirés liés aux avant-gardes artistiques ?Lors du forum de discussion organisé en janvier 2001 dans le cadre de l’exposition « Les bons génies de la vie domestique » au Centre Pompidou, des designers industriels se sont insurgés contre la médiatisation des « designers artistes ». Le caractère récurrent de ce genre de débat et la virulence de celui-ci, particulièrement en France, montrent une certaine indécision en ce qui concerne les places respectives de l’art et du design. Le design a t-il besoin de se situer dans la sphère artistique pour réévaluer sa mission, à l’instar des mouvements contestataires italiens des années soixante ou de l’effervescences créative des années quatre-vingt renouant (par exemple) avec les mythes primitivistes pour dénoncer la froideur technologique de nos sociétés industrielles ? L’idée d’avant-garde en design resterait donc dominée par la référence aux beaux-arts, ce qui perpétuerait le rôle que les arts dits majeurs ont voulu jouer dans l’industrie au début du siècle. Ce que le designer industriel perdrait en clarté sur la réalité de sa profession, il le récupérerait par la valeur ajoutée du culturel, forcément issue de son implication artistique.

La référence à un art majeur n’a plus beaucoup de sens et les enjeux actuels sont plutôt du côté de l’interdisciplinarité des designs.

De fait, les autres métiers de projet et de création, en revendiquant la dénomination, ont d’une certaine manière, favorisé une cohabitation en design.

L’histoire de L’École de design des Pays de la Loire témoigne de ces évolutions. Dans les années 90 l’enseignement du projet était principalement organisé autour du produit industriel, dans une démarche de design global avec des bases de management. C’est sur ce terreau qu’ont ensuite été mises en oeuvre des formations à d’autres métiers du design, reposant sur une culture émergente, celle du numérique et sur des cultures anciennes comme l’espace et le graphisme. Les croisements de métiers ont pris d’autres formes, où les hybridations des savoir-faire, les cultures propres à chaque formation contribuent à forger et co-construire de nouvelles approches.

Notes

[1]J’ai rejoint le projet au milieu des années 1980 en tant qu’enseignante en histoire de l’art, avant de créer un cours sur le design industriel et prendre en charge l’encadrement pédagogique.

[2]Assistée de Danielle Roussel comme secrétaire, gestionnaire et enseignante.

[3]L’une de nos premières étudiantes, arrivait d’Allemagne et s’est installée à Nantes, après un passage à l’École nationale d’Art décoratif de Nice. Elle fait une belle carrière de créatrice, spécialisée dans des recherches graphiques et de matières sur des espaces muraux, à chaque fois conçus pour des lieux particuliers.

[4]Présidée par Maryvonne Hiance, actuellement présidente de France Biotech.

[5 Jean-Yves Chevalier qui avait été formé en Allemagne et était très engagé dans une éthique de design issue des enseignements d’Ulm, Anne Delfaut qui enseignait la typographie et le design graphique, auxquels se sont joints David Balkwill, designer qui nous apportait la culture anglo-saxonne de la profession, Jean-Yves Guillet designer formé à L’École Nationale des Arts Décoratifs de Paris, Nicole Garo, architecte.

[6]Do You Speak good design ? (#31), édition spéciale 20 ans, 2008, P. 8.

[7]Parmi les personnalités citons Jean-François Moulin, directeur de la BPBA, et Denis Batard, PDG de la société Arlux et président de la Chambre de Commerce, qui allait devenir le  deuxième président de l’école en 1993.

[8]Un de nos premiers diplômés, Bertrand Letourneur, nous a rejoint en tant qu’enseignant quelques années plus tard. Un autre étudiant des débuts, Sébastien Brousse nous a rejoint également comme responsable informatique, puis enseignant en design industriel et sur différents logiciels.

[9]Jean-Claude Deguines, designer industriel et enseignant dans cet établissement, y a contribué pendant plusieurs années avec beaucoup de dévouement et de soutien.

[10]Discipline que je découvrais pour ma part à travers les écrits de Brigitte Borza de Mozota.

[11]En particulier Jacques Hermant qui nous envoyait régulièrement par courrier tous les articles qu’il trouvait sur le design et Jean-Claude Marullier aussi qui me faisait part de sa réflexion par rapport aux méthodes qu’il expérimentait chaque année pour faire passer des notions de droit à des étudiants qui n’en voyaient pas toujours l’intérêt. Pour ma part, j’ai enseigné l’histoire du design dans les formations marketing pendant une quinzaine d’années.

[12]Etre reconnus dans l’Enseignement Supérieur signifiait aussi constituer une bibliothèque sur le design. Une importante subvention de la Chambre de Commerce m’a valu une expérience inoubliable. J’ai passé une journée dans une librairie spécialisée à Saint-Germain-des-Prés, La Hune, avec la possibilité d’acheter de quoi remplir plusieurs rayons d’ouvrages qui sont arrivés par camion quelques semaines plus tard. Nos livres ont été gérés par la bibliothèque de l’ICAM tenue par un père Jésuite, le père Daniel, sceptique sur le design mais qui accueillait nos étudiants avec bienveillance. Ils constituent le fonds design de l’actuelle bibliothèque universitaire de technologie de la Chantrerie.

[13]Cette étudiante avait rapporté les cours d’un professeur qui l’avait enthousiasmée, Alain Findeli dont il sera question plus tard. Les grandes théories et courants de pensée, la dimension anthropologique du design et les questions éthiques, constituaient de gros dossiers de lecture pour les étudiants. Je me suis retrouvée avec une masse de photocopies qui transmettaient de belles pistes de recherche pour repenser l’histoire et l’enseignement du design.

[14]Pilotée par  Emmanuelle Bouron qui  venait de Sciences Com et nous avait rejoint pour gérer la communication de l’école.

[15]L’exposition avait été réalisée par Le Conseil Régional des Pays de la Loire, à l’initiative de la revue 303, avec le soutien de ADERET, Association pour le développement de l’Enseignement, de la Recherche et de la Technologie en Pays de la Loire, IDEO, Centre Régional de Promotion du Design industriel, L’École de Design des Pays de la Loire, en collaboration avec l’UFDI (Union Française des Designers industriels) des Pays de la Loire, La Cité des Congrès de Nantes. La commissaire de l’exposition était Fabienne Millet-Dehillerin, auteure de l’article consacré à cette exposition dans la revue 303. Mise en page et couverture avait été réalisées par des étudiants de L’École de Design Nantes Atlantique, Y. Larboulette, H. Champiot, S. Gergaud, S. Henry.

[16]Millot, M. (2017). Guide du design industriel, les 10 étapes clés de la conception au lancement commercial. Paris : Dunod. L’ouvrage reflète bien les approches du design industriel autour du produit dans l’héritage de l’école d’Ulm (Hochschule für Gestaltung) et des écrits de Danielle Quarante (Éléments de Design industriel).

[17]Guidot, R. (1987). Des goûts et des « ismes. A l’heure du design, art press, hors série (7), 58-61.

[18]Pour les approches culturelles axées sur l’objet dans les années 80 et la dimension politique, voir les catalogues des expositions au Centre Georges Pompidou, comme « Nouvelles tendances » (1987) ou « Formes des métropoles, nouveaux designs en Europe » (1991).

[19]Sont  cités les mouvements venus d’Italie, Superstudio et Archizoom fondés à Florence en 1966, Alchymia et Memphis avec Ettore Sottsass, Alessandro Mendini (avec les références à la bande dessinée, au Pop Art, etc.), aux recherches sur les matériaux, sur le statut de l’objet (expérimentations d’Andrea Branzi), à ceux qu’il qualifie de « bricoleurs de génie » (Gaetano Pesce, Ron Arad, Daniel Weil, Enzo Mari). Concernant la remise en cause d’un design cosmétique, voir aussi le pamphlet de Victor Papanek, Design pour un monde réel : écologie humaine et changement social paru en 1971 et 1974 pour la version française.

[20]Bauer, C. (2001). Le cas Philippe Starck ou de la construction de la notoriété. Paris : L’Harmattan.

[21]Un catalogue a été publié à cette occasion sous la direction de Jocelyn de Noblet, Design Miroir du siècle, Flammation/APCI,  1993.

[22]Tallon, R. (1993), Itinéraires d’un designer industriel, catalogue d’exposition. Paris : Centre Georges Pompidou.

[23]Ce numéro fait un état des lieux très complet sur le design industriel en France en ce début des années 90, Réalités industrielles, Une série des Annales des Mines, janvier 1993.

[24]Jollant, F. (1987). Devenir Designer. art press hors série (7) , 68.

[25]Borza de Mozota, B. (2018).  Quarante ans de recherche en design management : une revue de littérature et des pistes pour l’avenir. Sciences du design(07) (Design Managementsous la direction de Guillaume Blum et Véronique Cova), 28-45. https://www.cairn.info/revue-sciences-du-design-2018-1-page-28.htm

[26]Les designers étaient David Balkwill, Frédéric Babin, Francesco Giganti, Gérard Deligne, Jean-Édouard Haller, Michel Andrieux, Laurent Petit, Fabrice Coulon, Gérard Godfroy, Claude Poiraud, Hervé Le Ménedeu, Patrice Sarrazin, Philippe Martin, Jean-Yves Guillet, Loïc Beuchet, Thierry Poubeau, Patrick Jolly, Bernard et Clotilde Barto, Thibault Desombre, Laurent Matras, Fabien Cagani, Alain Carré. La revue 303, qui propose beaucoup d’illustrations des différentes réalisations, mentionne également Jean-Yves Chevalier (Jissé Design) pour l’aménagement d’une maternelle au Croisic et son travail sur des nacelles élévatrices de Duarib (Saint-Philibert-de-Grand-Lieu), Philippe Blanchard de l’agence angevine Corpus Design, Joël Brétécher pour la Compagnie des Iles du Ponant, Les Chantiers de l’Atlantique, Leroux et Lotz, Bénéteau, l’Ifremer et l’Aérospatiale, Patrick Dailly de Ouest Design, Jean-Pierre Jahant pour Gautier Meubles.

[27]Il faut souligner pour la promotion du design le rôle joué par L’Institut Français du design fondé par Jacques Viénot au début des années 50 sous l’appellation Institut d’Esthétique industrielle, le Centre de création industrielle (CCI) fondé en 1969, l’Agence pour la promotion de la création industrielle (APCI) fondée en 1983 ou encore le VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement) fondé en 1979 par le CODIFAB (Comité de développement des industries françaises de l’ameublement) et le Ministère de l’industrie.

[28]Le Boeuf, J. (2002). Le Design. Dans Collectif, C. Saint-Jacques (dir), 1950-2000 Arts contemporains. Paris : Autrement, Scérén.

Équipe pédagogique de la première décennie à compléter :

Jean-Yves Chevalier, David Balkwill, Jean-Yves Guillet, Jean-Patrick Péché (design industrie)l, Anne delfaut (design graphique), Isabelle Saxer (design industriel), Philippe Blanchard (ingénieur-designer), Nicole Garo (architecture et design d’espace), Dominique Vital (Dessin-couleur),Véronique Rattier (création plastique), Jean-Yves Quellien (dessin-volume), Françoise Barbin (mathématiques et physique), Martine Luriot qui était rattachée à la Chambre de Commerce et enseignait le marketing, Isabelle Faure (philosophie), Françoise Gandemer, Hervé Maillocheau, Luc Montessinos (français,) Shaun Meehan (anglais)… Des enseignants de l’École supérieure du bois intervenaient dans certains modules liés au programme de technologie du bois. Christophe Marchand, ingénieur-enseignant à l’ICAM et Yannick Olivier, ingénieur-enseignant à l’IUT Sciences et Génie des Matériaux, étaient responsables du programme global de technologie. Un ancien étudiant du temps de la rue Lamoricière, Christian Mouraud, avait pris la responsabilité de l’atelier maquette et était le maître d’œuvre des installations, réparations en tous genres et récupération de carton à la Siemco de Carquefou, qui a aussi très tôt été un partenaire sur lequel on pouvait compter. Roselyne Quesne et Yvette Demoulin ont été les premières secrétaires qui ont accompagné les différentes étapes jusqu’aux années 2000. Agnès Le Provost a été mon assistante à partir de 1998 et pendant près de 15 ans.

Je fais aussi référence à quelques séminaires qui étaient organisés chaque année. Celui de Richard Neill (designer et enseignant à l’ENSCI) était toujours un grand évènement … Son approche relevait d’une pensée où la question de la problématisation était primordiale pour introduire un processus de design. Avec le recul du temps, je me dis qu’il transmettait déjà une forme de design thinking. Le design était pour lui un mode de pensée, une attitude, une discipline de création qui donnait à interroger notre environnement dans tous ses aspects sociétaux et culturels pour en faire émerger des projets.

Les conversations « à bâtons rompus »  avec Richard permettaient de découvrir de nombreux chemins de traverse et petits sentiers inattendus qu’il savait si bien ménager ouvrant continuellement de nouvelles portes et de nouvelles questions.

Les étudiants avaient un peu de mal à atterrir après son passage… Mais l’enthousiasme était toujours au rendez-vous !

Je pense à notre historien des techniques, Francis Evans qui est venu plusieurs années de suite pour un séminaire qui mettait toute l’école en ébullition. Il arrivait de Sheffield en voiture avec une remorque dans laquelle se trouvaient toutes sortes d’outils, matériaux et maquettes improbables. Il me disait : « on pense avec ses mains, il faut que les étudiants expérimentent eux-mêmes pour comprendre ». On ne manquait pas d’expérimentations avec ce professeur original et ô combien savant. Il était incollable sur le génie bâtisseur et industriel des moines cisterciens !

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Francis Evans,professeur à l’Université de Sheffield. Séminaire histoire des techniques, archives Do You speak good design, décembre 1999.

Je me souviens de Mauricette Feuillas qui savait aussi transmettre de manière très concrète des connaissances en ergonomie cognitive, de Fabienne Cammas qui, d’une formation d’ingénieur, s’était orientée vers le design, s’intéressait particulièrement au design italien et nous proposait une approche poétique de l’objet, d’Alain Le Quernec, une de nos grands affichistes français, de Giovanni Pavesi qui intervenait en sémiotique, de Renaud Gauthier, expert en projet innovant, plasticien et bien d’autres choses, qui organisait des séminaires de remue-méninges décapants, de Didier Codron dont les séminaires de projet étaient aussi toujours des occasions de mettre la créativité à l’épreuve…

Beaucoup d’autres designers sont intervenus qui peut-être pourront apporter leur témoignage… Les cycles de conférences amenaient aussi des experts dans des domaines très divers. Parmi les personnalités avec lesquelles nous avons eu des contacts jusqu’à une période récente, il y avait Jocelyn de Noblet et Raymond Guidot en histoire de la culture technique et du design, Gérard Caron créateur de l’agence Carré Noir qui nous enseignait l’importance de la symbolique dans les valeurs d’une marque[1].

A une période où je découvrais les penseurs italiens du design, Andrea Branzi, Ezio Manzini, Alessandro Mendini, etc., je me souviens aussi des interventions de Florence Vidal qui avait fait paraître un ouvrage sur « Le Management à l’italienne » en 1990.

Pour notre petite école, ces conférences que je ne peux toutes citer, avaient un rôle important non seulement par les éclairages apportés à nos étudiants mais aussi pour son rayonnement. C’était à chaque fois des évènements qui nous mobilisaient entièrement. Nous étions loin d’avoir un service communication pour support et il fallait trouver des lieux d’accueil, à l’ICAM ou à la Chambre de commerce !

[1]Gérard Caron a beaucoup soutenu l’école et fait partie du Conseil d’administration jusqu’à une période très récente.

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