L’histoire de la recherche en design est généralement absente de l’histoire du design plus attachée à l’histoire des artefacts.
Les chercheurs sont-ils une famille à part, dont les activités n’auraient pas de répercussions sur les pratiques professionnelles et les représentations, méthodes et théories qui les soutiennent, les modes de production et de réception, les enseignements ?
Les discours ambiants sur le design, la « doxa théorisante » comme « arrière-fond (…) qui façonne indirectement, par ses attentes, la façon de penser et de produire (…) » (et je rajouterais d’enseigner), sont-ils complètement déconnectés de la recherche scientifique ? (1)
Les textes (2) de Nigel Cross (« Forty Years of design Research », 2006) et « From a Design Science to a Design Discipline : Understanding Designerly Ways of Knowing and Thinking », 2007 ) retracent les étapes fondatrices de la recherche en design dans le monde anglo-saxon. Le texte d’Alain Findeli (3), « Searching For Design Research Questions : Some Conceptual Clarifications », 2010) soulève la question des modèles de la recherche en design et en appelle à la vigilance épistémologique. C’est à ces textes nourris de références bibliographiques, et à quelques autres, que je me réfère dans ces notes. Elles n’ont pas la prétention de répondre aux questions ci-dessus, mais de faire émerger des repères qui donnent à réfléchir.
Années 1960 : promouvoir la recherche scientifique en design
Dans son éditiorial de 2007 (4), Nigel Cross, situe les prémisses du mouvement dans ces années qui ont hérité du développement des recherches méthodologiques (5), menées pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes dans le contexte de la « guerre froide » et de l’émergence de l’informatique :
The origins of new design methods in the 1960s lay further back in the application of novel, « scientific » methods to the novel and pressing problems of the 2nd Worls War – from which came operational research methods and management decision-making techniques – and in the development of creativity techniques in the 1950s (…) in response to the launch of the first satellite, the Soviet Union’s « Sputnik » (…). The 1960s also saw the beginnings of computer programs for problem solving.
De nombreuses études sont apparues à cette époque, dont la grande référence reste l’ouvrage d’Herbert Simon (1969) sur les « sciences de l’artificiel » (6) qui établit les fondations d’une science du design. Nigel Cross souligne que l’approche de Simon, certes critiquée pour son positivisme, ouvre le champ d’études interdisciplinaires (7) pour tous ceux qui sont engagés dans une activité créatrice transformant le monde :
Few engineers and composers… can carry on a mutually rewarding conversation about the content of each other’s professional work. What I am suggesting is that they can carry on such a conversation about design, can begin to perceive the common creative activity in which they are both engaged, can begin to share their experiences of the creative, professional design process.
Dans le contexte contestataire de la fin des années 1960, le courant méthodologique est battu en brèche, y compris par certains de ses pionniers. Cross cite en particulier Christopher Alexander qui souhaite s’en démarquer, soulignant le peu d’utilité de toutes ces méthodes scientifiques pour faire du design : « (…) I would say forget it, forget the whole thing » (8).
L’approche scientifique de résolution de problèmes n’est pas satisfaisante pour les « wicked problems », problèmes retors ou « ill defined », mal définis (9). Une deuxième génération de chercheurs apparaît et les questions de recherche en design s’ouvrent à une communauté plus large, incluant les usagers et consommateurs. Cross fait remarquer que cette évolution est plus marquée dans le domaine de l’architecture (10) que dans le design industriel et l’engineering design où la recherche en terme de méthodes s’avère particulièrement riche et diverse dans les années 1980 (11). C’est à cette époque qu’apparaissent les revues consacrées à la recherche en design dans le monde anglo-saxon : Design Studies (1979), Design Issues (1984), Research in Engineering Design (1989).
Années 1980-90 : le design comme discipline de recherche
Reprenant la proposition de Simon pour une « science du design » regroupant les disciplines de création, Nigel Cross écrit (12)
This, it seems to me, is the challenge for a broad and catholic approach to design research – to construct a way of conversing about design that is at the same time interdisciplinary and disciplined. We do not want conversations that fail to connect between sub-disciplines, that fail to reach common understanding, and that fail to create new knowledge and perceptions of design. It is the paradoxical task of creating an interdisciplinary discipline – design as a discipline, rather than design as a science. This discipline seeks to develop domain-independant approaches to theory and research in design. The underlying axiome of this discipline is that there are forms of knowledge peculiar to the awareness and ability of a designer, independant of the different professionnal domains of design practice. Just as the other intellectual cultures in the sciences and the arts concentrate on the underlying forms of knowledge peculiar to the scientist or the artist, so we must concentrate on the « designerly » ways of knowing, thinking and acting.Many researchers in the design world have been realising that design practice does indeed have its own strong and appropriate intellectual culture, and that we mus avoid swamping our design research with different cultures imported from either the sciences or the arts.
Il rejoint les propos du designer Gui Bonsiepe (13) lorsque, dans un article paru également dans Design Research Now, celui-ci met en garde contre les discours sur le design en provenance d’autres disciplines et s’insurge contre les théoriciens qui parlent du design comme d’un art appliqué ou dématérialisé en valeur de signe (14) :
Those very positions that view themselves as anti-conformist show a remarkable tendency to pour blanket criticism on modern design for being pure ideology. There were times in which avant-garde positions in philosophy (the Vienna circle, for exemple) and modern design regarded one another with mutual respect.
Les étapes affirmant le design comme discipline de recherche retracées par Nigel Cross font émerger un certain nombre de textes fondateurs (15), celui de Bruce Archer en 1979, affirmant a « designerly way of thinking and communicating that is both different from scientific and scholarly ways of thinking and communicating, and as powerful as scientific and scholarly methods of enquiry when applied to its own kinds of problems » , son propre texte « Designerly ways of knowing », paru en 1982 dans Design Studies , l’ouvrage de Donald Schön paru en 1983, The Reflective Practitioner, qui ouvrent de nouvelles perspectives et ont donné lieu à de nombreuses manifestations et publications depuis cette époque. L’ouverture internationale à ces recherches s’est concrétisée par la création en 2005 de l’International Association of Societies of Design Research, rapprochement de la DRS et de l’Asian Design Research Societies.
Le glissement de la notion de science à celle de discipline va de pair avec la réintroduction de l’intuition et de la pratique. C’est la 3ème voie dont parle Tim Brown (Le Design Thinking, 2010) caractérisée par la réconciliation de l’intuition et de l’inspiration avec la logique et le raisonnement, voie ancienne comme le design probablement, mais qui dans la pratique professionnelle génère de nouvelles approches et méthodes d’innovation et de créativité, en amont du projet, et un transfert de compétences possible à d’autres acteurs. C’est la fameuse formule « le design est trop important pour être laissé aux seules mains des designers » (16).
Il est possible à ce niveau d’établir un parallèle entre une certaine évolution de la recherche et l’affirmation d’une évolution des pratiques professionnelles. Mais nombre de débats montrent des confusions récurrentes entre les méthodes appliquées de conception et de créativité, les méthodes et recherches pour le projet et le design comme discipline de recherche.
Recherches et Recherche
Les trois types de recherche formulés par Christopher Frayling sont, ainsi que le dit Alain Findeli (« La Recherche-Projet, une méthode pour la recherche en design », Bâle 2004) « un point de départ très commode pour s’interroger sur la nature et la singularité de la recherche en design, sur ses exigences et sur ses limites » (17). Elles distinguent la recherche pour le design, la recherche sur le design et la recherche par le design.
– La recherche pour le design est celle que mènent les designers et les centres de recherche R&D, à partir de l’observation et des connaissances apportées par diverses autres disciplines selon la nature du projet (marketing, sociologie, anthropologie, ergonomie, économie, etc.). C’est aussi ce que les étudiants apprennent dans les écoles de design par le travail en équipes pluridisciplinaires autour du projet. On pourra se reporter avec profit à un autre texte (18) d’Alain Findeli « Qu’appelle-t-on « théorie » en design ? Réflexions sur l’enseignement et la recherche en design » (2006) pour cerner les enjeux méthodologiques et épistémologiques des « liens qu’entretient le corpus théorique avec la pratique du design » en situation pédagogique.
– La recherche sur le design provenant d’autres disciplines comme l’histoire de l’art, l’anthropologie, l’ergonomie, la philosophie, etc.
– La recherche par le design (recherche-projet) qui conduit à « imaginer une forme de recherche qui soit à la fois rigoureuse du point de vue scientifique et féconde pour la profession et les usagers ».
L’articulation entre théorie et pratique
Dans un article de 2010 (« Searching For Design Research Questions : Some Conceptual Clarifications »), Alain Findeli reprend la question des définitions de la recherche en design et situe la recherche-projet sur le terrain épistémologique toujours présent dans ses écrits. Il part de la définition de Bruce Archer communément retenue dans le monde de la recherche en design, »Design Research is a systematic search for an acquisition of Knowledge related to design and design activity » (19) en soulignant le fait que, d’une part le mot design pourrait être remplacé pas le renvoi à n’importe quelle autre discipline, ensuite que le design est compris dans cette définition comme étant l’activité des designers, rejoignant les recherches de Nigel Cross attachées à la logique et aux manières de penser des designers, à ce qui ferait leur spécificité :
When cross uses the term « design », he only refers to the « conception » side, whereas we consider that a model of the design act is incomplete if we do not address what happens to the project’s output once it starts its life in the social world. In this regard, the opening up of the generic model of the design project to the user space is indeed one way of extending the scope of design research. As is witnessed by current research, such opening has proven fruitful (20).
Une deuxième définition est alors proposée :
« Design research is a systematic search for and acquisition of knowledge related to general human ecology ».
Mais s’il y a une spécificité de la recherche en design, un territoire propre, en quoi consiste t-il ? En quoi le design peut-il penser différemment des questions que se posent d’autres disciplines, apporter d’autres formes de connaissances ?
Et si la recherche en design diffère des modèles scientifiques descriptifs et analytiques pour penser le monde comme projet et le rendre plus « habitable »(21), quels protocoles de recherche mettre en place ? Les voies des recherches interprétatives, de l’épistémologie pragmatique, la recherche située, ancrée dans le projet (project-grounded research) ouvrent des perspectives qui amènent l’auteur à un 3ème remaniement de la définition de départ :
« Design research is a systematic search for and acquisition of knowledge related to general human ecology considered from a designerly way of thinking, i.e. a project-oriented perspective », avec cette précision que la recherche ne se limite pas à la conception mais s’étend aux usagers qui ne sont plus seulement considérés comme des récepteurs (consommateurs) mais comme acteurs.
La question soulevée ensuite est celle de la distinction et de l’articulation entre questions de design et questions de recherche. Le processus est itératif et pour établir une distinction entre questions de design et question de recherche, une voie rapide est de considérer les réponses apportées. Après avoir opposé avec humour les réponses de design montrées dans les magazines à la mode et les réponses de recherche des revues académiques, l’auteur invite à considérer les critères d’évaluation afin de ne pas confondre la recherche-projet avec le projet de design. Il souligne également qu’il n’y a pas d’automatisme entre projet de design et recherche : « it is a matter of construction, of design ». Dans le texte de Bâle, Alain Findeli écrit que c’est par la « portée anthropologique et scientifique » des questions de recherche, « que le design pourra s’imposer comme discipline universitaire à part entière ».
L’ancrage dans le projet, permet aussi de prendre de la hauteur par rapport aux oppositions entre la défense du design comme discipline générale de recherche et la défense de territoires spécifiques de recherche par disciplines attachées aux différents métiers du design. Dans un texte publié dans « Design Knowing and Learning : cognition in Design Education » (22), Craig Zimring et David Latch Craig proposent de travailler sur une typologie des activités de design pouvant servir de cadre de travail dans les différents disciplines du design, mais qui n’ont de sens qu’en situation.
Les recherches méthodologiques plutôt ancrées dans l’engineering design et le design industriel des années 1950-60, les différentes mouvances d’une science du design et la défense d’un « design thinking » plus tard, esquissent une forme d’histoire de la recherche en design, avec un ancrage d’origine dans le monde occidental industrialisé et plus particulièrement dans la culture anglo-saxonne. Mais les publications sont nombreuses (23) et largement ouvertes sur le terrain international. D’autres contours, d’autres questions sont à découvrir qui devraient enrichir l’histoire du design et lui permettre de contribuer à établir des ponts fructueux entre recherche, pratiques et enseignement.
Notes :
1 – Nous reprenons ici des termes utilisés par Anne Cauquelin (Les théories de l’art, PUF, Que sais-je ?, Paris, 1998), pour parler de ces chassés-croisés entre théories savantes et les discours ambiants sur l’art façonnant aussi « la façon de penser et de produire l’art », questions qui me paraissent pertinentes appliquées au design, par exemple par rapport à l’engouement actuel pour le design thinking.
2 – Cross, N., « Forty Years of design research », Design Studies, Vol 28, N° 1, January 2007. Texte écrit pour célébrer le 40ème anniversaire de la Design Research Society lors d’un colloque à Lisbonne en novembre 2006 et Cross, N., « From a Design Science to a Design Discipline : Understanding Designerly Ways of Knowing and Thinking », Design Research Now, Essays and Selected Projects, Ralf Michel (ed.), Birkhäuser, Basel, Boston, Berlin, 2007, p. 41-53.
3 – Findeli, A., « Searching for Design Research Questions : Some conceptual Clarifications », Rosan Chow, Wolfgang Jonas, Gesche Joost (eds), Questions, Hypothèses and Conjectures, Berlin, iUniverses, 2010, P. 286-303.
4 – Cross, N., « Forty Years of design research », op. cit.p. 1-4.
5 – « Conference on Design Methods », London , 1962 considérée comme point du départ du « Design methods movement ».
6 – Simon, HA., The Sciences of the Artificial, MIT Press, Cambridge, MA, 1969.
7 – Cross, N., « From a Design Science to a Design Discipline : Understanding Designerly Ways of Knowing and Thinking », op.cit., p. 46.
8 – Cross, N., « Forty Years of design research », op. cit. Le texte auquel Cross renvoie est : Alexander, C., « The state of the art in design methods » DMG Newsletter Vol 5 n° 3, 1971, p.3-7.
9 – Cross, N., « From a Design Science to a Design Discipline : Understanding Designerly Ways of Knowing and Thinking », op. cit. Les références de l’auteur sont : Rittel, H., Webber, M., « Dilemnas in a General Theory of Planning », Policy Sciences 4, 1973, p. 42.
10 – Cross, N., « Forty Years of design research », op. cit. Les références sont : Lawson, B., How designers think pp The Design Process demystified, Architectural Press, Oxford, Elsevier, 1980 – Rowe, P., Design Thinking, MIT Press, Cambridge, MA, 1987.
11 – Cross, N., « From a Design Science to a Design Discipline : Understanding Designerly Ways of Knowing and Thinking », op. cit. Les références de l’auteur sont : Tjalve, E., A Short Course in Industrial Design, Newnes-Butterworth, London, 1979 ; Hubka, V., Principles of Engineering Design, Butterworth, Guilford, 1982 ; Pahl, G., Beitz, W., Engineering Design : a Systematic Approach, Springer/Design Council, London, 1984 ; French, MJ., Conceptual Design for Engineers, Design Council, London, 1985 ; Cross, N., Engineering Design Methods, Wiley, Chichester, 1989, p. 42.
12 – Cross, N., « From a Design Science to a Design Discipline : Understanding Designerly Ways of Knowing and Thinking », op. cit., p. 46.
13 – Gui Bonsiepe qui fut professeur à l’Ecole d’Ulm, s’était insurgé contre les critiques post-modernistes, dans un article du catalogue de l’exposition l’Ecole d’Ulm, Textes et Manifestes, Centre Pompidou. Il y défendait aussi le rationalisme d’Ulm contre les « élucubrations ludiques qui font du design d’une poignée de porte ou d’une lampe de salon un exercice de style appelé à résoudre les problèmes existentiels, et drapent leur fuite devant les paramètres techniques et économiques dans les soucis d’ordre psychique », « Ulm, le modèle et sa périphérie », L’Ecole d’Ulm : textes et manifestes, Centre Georges-Pompidou, Paris, 1988.
14 – Bonsiepe, G., « The Uneasy Relationship between Design and Design Research », Design Research Now, Essays and Selected Projects, Ralf Michel (ed.), Birkhäuser, Basel, Boston, Berlin, 2007. Il fait en particulier référence à H Foster (Design and Crime, Verso, London, 2002) et Baudrillard, (Pour une critique de l’économie politique du signe, Gallimard, coll. Les Essais, Paris 1972), p. 30-31.
15 – Les textes de références sont : Archer, L-B., « Whatever became to design methodology ? », Design Studies, Vol 1, n°1, 1979. Cross, N., « Designerly ways of knowing », Design Studies, Vol 3, n°4, 1982. Schön, D., The Reflective Practitioner, Temple-Smith, London, 1983. Une série de conférences rassemblées sous l’intitulé « Design Thinking Symposia » à partir de 1991 (Cross N, Dorst K, Roozenburg N (eds), Research in Design Thinking, Delft University Press, Delft, 1992 ; Cross N, Christiaans H, Dorst K (eds), Analysing Design Activity, Wiley, Chichester, 1996 ; Cross N, Edmonds E, (eds), Expertise in Design, Creativity and Cognition Press, University of Technology, Sidney, Australia). Les nouvelles revues Design Journal, The Journal of Design Research, Codesign.
16 – Brown, T., Change by Design. How design thinking transforms organizations and inspires innovation, Harper Business, 2009. Traduction française, l’Esprit Design, Le design thinking change l’entreprise et la stratégie, Pearson, coll. Village Mondial, 2010.
17 – Findeli, A., « La Recherche-Projet, une méthode pour la recherche en design », communication au premier Symposium de recherche sur le design, Bâle, 13-14 mai 2004. Frayling, Chr., « Research in Art and Design », Londres, RCA Research Papers, I, 1, 1993-94. Alain Findeli renvoie également à un autre type de classification proposée par Buchanan, R., dans « Design Research and the New Learning », Design Issues, XVII, 4, aut. 2001, 3-23 : basic research, applied research, clinical research.
18 – Findeli, A., « Qu’appelle-t-on « théorie » en design ? Réflexions sur l’enseignement et la recherche en design », Le design, Essais sur des théories et pratiques, (Brigitte Flamand, ed.), Ed. du Regard, Institut Français de la Mode, Paris, 2006, pp. 77-97. On y voit que les modèles dégagés font écho aux catégories de recherche de la typologie mentionnée :
– « le modèle de la théorie minimale » qui « consiste (…) à n’exiger pour la pratique aucun fondement qui lui soit extérieur ou étranger, car elle est considérée comme se suffisant à elle-même ».
– « La théorie comme cadre interprétatif » dont « l’objectif épistémologique, rarement annoncé en tant que tel, est de fournir un contexte (historique mais aussi critique) permettant d’interpréter la pratique professionnelle, plus précisément encore les objets qui en résultent ». Une des questions posées est comment « fixer le corpus minimal de ce cadre théorique »
– « Le design comme science appliquée » dont le tournant s’amorce au début du XXe siècle, de la « science de l’art (ou esthétique) appliquée » du Bauhaus aux différentes sciences enseignées (sciences dites « dures » et sciences humaines) à Ulm après la Seconde Guerre mondiale. Alain Findeli parle de « modèle épistémologique erroné de la science appliquée » qui s’est développé au XIXe siècle : « En effet, le lien logique que recouvre le terme « appliqué » ne va pas de soi, comme s’il s’agissait de déduire une conclusion d’une prémisse. (…) Le passage d’une proposition déclarative universelle à la pratique, donc a une situation singulière, exige un travail d’interprétation, de contextualisation, de compréhension, d’évaluation, de jugement (…) bref un travail de design, qui n’a rien d’automatique, de « logique » comme on dit ».
– « Le design comme théorie située et pratique éclairée », « théorie qui se construit en situation et dont le caractère réflexif, en retour, éclaire l’acte ».
Le 4ème type proposé éclaire la recherche pour le design par la dialectique proposée entre théorie et pratique. Elle prépare à la recherche par le design par son ancrage dans le projet.
19 – Sur les définitions proposées par Archer, Alain Findeli renvoie à un article de cet auteur, « A view of the nature of Design Research », in Design, Science, method, proceedings of the 1980 Design Research society conference, edited by R. Jacques, and J. Powell. Guildford : Westbury House, 1981 : 30-47.
20 – Alain Findeli renvoie à l’article « L’éclipse de l’objet dans les théorie du projet en design », communication proposée au 6e colloque international et biennal de l’Académie européenne de design (European Academy of Design,EAD), par Alain Findeli et Rabah Bousbaci, Brême, mars 2005. Publié dans The Design Journal 8, n° 3 (2005), P. 35-39.
21 – L’auteur précise que le concept d' »habitability » remonte aux années 1980 dans les écrits des italiens Branzi et Manzini. L’expression de Herbert Simon est aussi répandue dans la communauté du design : « To transform a situation into a preferred one ».
22 – Zimring, C., David Latch G., « Defining Design between Domains : An argument for Design Research à la Carte », in Design Knowing and Learning : cognition in Design Education, Eastman, C., McCracken, M., Newstetter, W. (eds.), Elsevier, 2001.
23 – Même si dans ce domaine, le fameux « publier ou périr » de la recherche universitaire amène de nombreuses répétitions
Bonjour Jocelyne. Merci pour ce billet. Je suis tombé dessus en recherchant le texte (pas encore trouvé) de l’article de Bruce Archer de 1979 « Whatever Became of Design Methodology? »… Il se trouve que j’ai beaucoup échangé récemment avec Alain Findeli et que j’ai commencé à découvrir moi aussi toute cette littérature anglo-saxone (je pense surtout à Nigel Cross) qui a posé, il y a déjà longtemps, toutes les questions fondamentales auxquelles j’étais parvenu de mon côté. Étonnant qu’on fouille les mêmes textes en même temps 🙂 Tu as raison, en France, nous sommes déconnectés (complètement !) de la recherche scientifique en design. Il va falloir que ça change. Au plaisir d’échanger. Stéphane.
un article trsè complet et surtout bien documenté ! Merci du partage, heureuse que certaines personnes mettent en avant les lacunes de la recherche en France.