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design-histoires

icsid Venise 1961 (3)

Deux articles de ce blog évoquent les témoignages de Georges Combet (Directeur général de Gaz de France – président de l’Institut d’Esthétique industrielle) et de Sigvard Bernadotte (pionnier du design industriel en Suède, 1907-2002). Le sujet traité est « le rôle de l’esthéticien industriel dans la société ». Le troisième intervenant sur le sujet, présenté dans la revue Esthétique industrielle, était Karl Schwanger, designer autrichien.

Dans son allocution au Congrès de Venise, celui-ci rappelait les efforts menés par son pays pour promouvoir les produits « les plus beaux, les plus utiles, les plus instructifs », en particulier ceux de la Wiener Werstätte au début du siècle. Il soulignait que « le rapport étroit »,  institué entre le travail des artisans artistes et le créateur industriel, pouvait être un fardeau (1) :

Il existe encore un étroit rapport entre le travail des artisans artistes et l’oeuvre du créateur industriel en Autriche. De nombreux esthéticiens industriels viennent de la profession précédente d’artisan artiste. Ce changement constitue parfois un fardeau pour le dessinateur industriel qui souffre du souvenir du grand passé de la tradition des artisans artistes autrichiens. C’est un danger pour le styliste de tenter de concurrencer le glorieux passé de ces artisans artistes, qui peut aisément mener à un manque d’honnêteté dans la conception des articles prévus industriellement.

Nous en sommes arrivés à comprendre que l’article unique dans la production en série, étant identique à des milliers d’autres, devrait non seulement être attrayant et fonctionnel, mais devrait aussi représenter les qualités d’une « pièce unique » une fois placé dans notre cadre personnel (…).

Les efforts en vue d’influencer la « conception » dans l’industrie lourde et légère sont toujours handicapés par les notions persistantes suivant lesquelles un bon dessin est limité à la forme des poignées, à un nouvel enduit de peinture ou à la révision du corps de l’objet.

Les convictions sont celles partagées au sein du courant fonctionnaliste, l’esthéticien industriel doit s’occuper du fond et de la forme et l’auteur emploi indifféremment les termes de dessinateur et de concepteur pour parler de son travail. Georges Combet avançait l’expression « compositeur industriel » pour parler de l’industrial designer, terme qui lui semblait le plus adéquat pour faire valoir les différentes compétences des acteurs de cette profession. Karl Schwanger joue lui aussi de la métaphore en parlant de « chef d’orcheste qui mêle les divers genres de sons en un motif prédominant : la forme et le ton du XXe siècle ». Soulignant la polyvalence du designer, on comprend que c’est à lui qu’il pense lorsqu’il parle des qualifications du « chef responsable d’une équipe d’étude ».

Il poursuit sur l’analyse des différentes contraintes et exigences liées au métier dans un jeu à trois : production – conception – consommation :

Le concepteur désire aujourd’hui par-dessus tout qu’on l’avise en temps utile des projets de nouvelle création, afin d’être toujours en harmonie. Le consommateur lui aussi a ses exigences envers la production. Il désire avant tout la qualité, l’aptitude à l’emploi, un prix raisonnable, plus ce je sais quoi qui le remplit de l’orgueil de la possession.

Et si la morale fonctionnaliste exige le respect de ces exigences, pour autant le « dessinateur » ou concepteur doit composer avec le travail rapide et les « vogues » industrielles qui « créent un climat médiocre pour le développement du travail de création… »

Mais le consommateur a son rôle à jouer en refusant la « pacotille » commerciale, et nous ne serons pas surpris de retrouver les convictions des pionniers de l’esthétique industrielle sur la nécessaire éducation du « goût du public », rôle attribué au designer mais aussi à l’éducation générale, à la presse et au « relèvement du niveau de vie ».

Cela permettrait de préciser au consommateur qu’il a la possibilité de choisir entre le bon et le mauvais et que l’amélioration de la qualité dépend beaucoup de son choix et de ses exigences. Donc le consommateur est un maillon important dans la chaîne de développement d’une bonne production. Il reste l’associé inconnu.

Nous sommes actuellement bien loin de cette idée de l’éducation du goût par le design, mais la responsabilité du consommateur comme « maillon important dans la chaîne de développement d’une bonne production » garde toute sa pertinence.

Note :

1 – « Le rôle de l’esthéticien industriel dans la société »,  Karl Schwanzer, Esthétique industrielle n° 52-53, p. 47-48.

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