Un article de La Revue de l’Aluminium (juillet-août 1951, n° 179) relate ainsi l’étonnement des passants devant un drôle d’engin aux formes « un tantinet Louis XV ». Il s’agit de la toute nouvelle petite voiture populaire économique conçue par l’artiste designer mécanicien Paul Arzens.
Un dessin accompagnant l’article donne le ton, « dis-donc, c’est rigolo, ce truc-là ».
Paul Arzens (1903-1990) n’en est alors pas à son premier essai. Il est aussi l’auteur de plusieurs autres projets d’automobiles, dont La Baleine avant la Deuxième Guerre mondiale, et l’Œuf électrique (1942). Ce créateur absent des histoires du design s’inscrit dans la lignée des ingénieurs-artistes (1). Ses projets de voitures n’ont pas abouti à une fabrication industrielle mais ses projets pour la SNCF, en particulier pour des autorails panoramiques, en font un des acteurs importants dans le domaine des réalisations ferroviaires dans les années 1950-1960.
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Tubes cintrés et barres d’acier constituent l’armature.
La combinaison de barres de flexion et de barres de torsion, qui en fléchissant, écrasent en douceur des manchons de caoutchouc formant amortisseurs, assure une souplesse de suspension.
Le descriptif, dans l’article cité, précise :
La direction comporte un pignon calé sur le tube du volant qui engrène avec un secteur intérieur lequel, articulé, porte une queue d’où part la biellette commandant les roues. Le moteur, disposé à l’arrière, est un monocylindre deux-temps Pauvert à distribution dans le carter, qui donne 5,5 CV à 5 300 tours. Volant magnétique. Refroidissement par air soufflé. Boîte à quatre vitesses. Une triple et originale pédale verticale commande, en haut, les freins ; au milieu, l’embrayage ; en bas l’accélérateur. Une chaîne, placée dans un carter-bain d’huile, entraîne l’essieu arrière sur lequel sont montées les roues avec interposition de blocs de caoutchouc emmanchés à la presse, dont l’elasticité joue le rôle de différentiel.
Paul Arzens démontre avec humour la légèreté de sa drôle de petite voiture qui embarque toute la famille.
Une voiture « sortie entièrement des mains de Paul Arzens »
Dans son ouvrage « Design, le Geste et le Compas » (2), Jocelyn de Noblet distingue dans l’histoire du design automobile, les centres de style dont le premier centre véritablement organisé est apparu chez General Motors à la fin des années 1920 et les designers indépendants issus des carrossiers hippomobiles.
Les créateurs indépendants orientent bien plus fréquemment leurs recherches sur des véhicules d’exception : voitures uniques, prototypes et productions limitées. Dès lors, les conditions de la création se révèlent très différentes : la tutelle des services de marketing, techniques ou commerciaux, pèse d’un poids moins lourd.
C’est assurément dans cette lignée que s’inscrivent les recherches de Paul Arzens.
« Inutile de chercher dans cet engin ambulatoire une réminiscence des voitures américaines »
L’auteur de l’article situe Paul Arzens, à juste titre, dans les recherches d’une époque qui voit la démocratisation de l’automobile. Jocelyn de Noblet, dans l’ouvrage cité, parle pour les années 1940_1960 des « Belles américaines » (3), comme « objets de désir » et de « la voiture fonctionnelle européenne ». Le contexte d’une Europe épuisée par le guerre n’est pas celui des Etats-Unis. A l’époque de l' »Amérique victorieuse », comme l’écrit l’auteur, « (…) il n’y a aucune raison pour fabriquer de petites voitures économiques ». Le pétrole est bon marché… Mais les petites voitures économiques européennes, passées à la fabrication en série, telles la 2CV Citroën ou la 4CV Renault, ces petites « voitures fonctionnelles » ont aussi été des objets de désir. Ne dit-on par de la 4CV qu’elle fut la « chérie du populo » (4)… La petite Isetta italienne, dessinée par Luigi Preti pour Iso (5) avec sa portière placée à l’avant, et plus particulièrement pensée pour la circulation en ville, fait aussi partie de ces voitures mythiques et populaires qu’on retrouve dans le Journal de Spirou…
Les recherches de Paul Arzens témoignent de cette ingéniosité de concepteurs à la recherche de solutions économiques et pratiques. L’heure n’était pas aux inquiétudes provoquées par le réchauffement climatique, ni même au souci d’un combustible cher et de plus en plus rare… défis pour la créativité de leurs successeurs.
Notes :
1 – Paul Arzens était également peintre et a aussi pratiqué la sculpture.
2 – Design, Le Geste et le Compas, Jocelyn de Noblet, « Transports : mythes et fonctions », Somogy, Paris, 1988, p.323-355.
3 – op. cit. p. 336.
4 – Un article du Monde (vendredi 10 février 2006), à propos du 33e salon Rétromobile, titrait ainsi : « La 4CV, sexagénaire et toujours chérie du populo« .
5 – Elle fut également fabriquée en Allemagne par BMW et en France par Velam dans les années 1950, voir « Histoire du design 1940-1990 », Raymond Guidot, Hazan, Paris 1994, p. 117.
Les photographies proviennent de La Revue de l’aluminium, juillet-août 1951, n° 179, Institut pour l’Histoire de l’Aluminium. Les reproductions sont dues à Jean-Charles Quéffélec, responsable des studios son et vidéo à l’École de design Nantes Atlantique.
Bravo pour cet article sur Paul ARZENS et une de ses magnifiques réalisations
HA PHAM pascal
Paul Arzens a été élève de l’école des Beaux arts et son atelier avait pour nom l’atelier « Lucien Simon ».
C’était en 1925.
Cet atelier voisinait l’atelier du peintre ferdinand Humbert dit « atelier des filles », le premier du genre ouvert aux artistes femmes.
Paul ARZENS était un homme simple et très accessible (comme le sont souvent les génies), avoir rencontré ce menbre (rapporté) de ma famille, quand j’étais jeune, est aujourd’hui une très grande fierté:
http://blog.thephase3.fr/2014/04/paul-arzens-le-moteur-electrique-plus.html
Le fait que ce défenseur du véhicule électrique (et qui pensait qu’une voiture n’était qu’un outil) soit mis à l’index de l’histoire industrielle française vous étonne-t-il ?