A travers ces 3 exemples (1), Yves-Claude Lequin (enseignant à l’université de technologie de Belfort-Montbéliard ) montre comment les choix techniques sont au cœur des enjeux économiques, culturels et sociaux, donc au cœur du politique.
Une histoire de pomme, entre plume d’oie et 2 CV, peut sembler étrange…
sauf si on réalise que ce fruit du paradis est devenu « un concentré de technique » et interroge donc aussi sur « la conception et ses choix : qui choisit ? Où et comment ? ».
Petit détour étymologique et historique
L’auteur explique que les origines grecques du mot technologie renvoient à une «technique du discours », d’un « art oratoire permettant de triompher de ses adversaires sur l’agora (…) ». Au XVIIe siècle le terme prend le sens d' »étude de la technique ». Au XVIIIe siècle une nouvelle discipline universitaire est créée en Allemagne et définie ainsi par son fondateur Johann Beckmann : « La technologie (…) explique complètement, méthodiquement et distinctement tous les travaux avec leurs conséquences et leurs raisons ». Au XIXe siècle, avec Jacob Bigelow (Elements of Technology, 1829) et la création du Massachusetts Institute of Technology (MIT, 1861), on commence à parler des technologies pour nommer « les techniques de pointe, celles qui incluent des connaissances scientifiques, par opposition aux techniques traditionnelles (…) Ce sens perdure aujourd’hui avec les nouvelles technologies ».
Le XXe siècle a vu émerger de grands penseurs de la technique, qui ont redonné à la technologie la dimension de « (…) compréhension globale de la technique et de la société ».
L’homme et la technique
La coupure en France entre science et technique a tenu celle-ci éloignée pendant longtemps de l’université. En témoigne la création, seulement en 2000, d’une Académie des technologies, trois siècles et demi après l’Académie des sciences…
L’auteur prône l’urgence d’une technologie comme discipline affirmant la prise en compte de l’homme et des sciences sociales dans la technique.
Cet engagement nous semble trouver une résonance particulière dans le contexte des « nouvelles technologies » assimilées assez largement aux technologies de l’information et de la communication et de manière générale à la haute technologie. Celles-ci sont considérées souvent naïvement comme porteuses d’un progrès qui va de soi, en oubliant qu’entre progrès technique et progrès social, tout est question d’ajustement et de choix.
La réflexion proposée par Yves-Claude Lequin entre également en résonance avec les questions soulevées dans les domaines du design (dans ses différents champs d’application, du produit, à l’espace, au graphisme, à l’interactivité, etc.). Qui conçoit quoi, pour qui, dans quel contexte et avec quels objectifs ?
Si l’auteur de l’article regrette que la France soit « rétive » à l’approche « humaniste » de la technique, on peut souhaiter que le discours volontiers « humaniste » du design rencontre la technologie sur ce terrain pour effectivement permettre des choix « éclairés ».
Note :
1 – « La technologie est une science humaine », Yves-Claude Lequin, Revue Sciences Humaines, Juin 2009, n° 205, p. 24-29. Yves-Claude Lequin a co-écrit avec Pierre Lamard, La technologie entre à l’université, Compiègne, Sevenans, Belfort-Montbéliard, UTBM, 2006.